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amitiés syndicales
10 février 2012

Les mots de Maurice Merleau-Ponty

Cette semaine, deux salariées m'ont demandé: "ça sert à quoi de se syndiquer?"

En cherchant des arguments, je me souviens d'un texte de Merleau-Ponty (Sur Machiavel, éditions folio essais) :

"Il n'y a pas de pouvoir absolument fondé, il n'y a qu'une cristallisation de l'opinion. Elle tolère, elle tient pour acquis le pouvoir.(...) Le pouvoir est de l'ordre du tacite. Les hommes se laissent vivre dans l'horizon de l'Etat et de la Loi tant que l'injustice ne leur rend pas conscience de ce qu'ils ont d'injustifiable. Le pouvoir qu'on appelle légitime est celui qui réussit à éviter le mépris et la haine.(...) 

Peu importe que le pouvoir soit blâmé dans un cas particulier : il s'établit dans l'intervalle qui sépare la critique du désaveu, la discussion du discrédit. Les relations du sujet et du pouvoir, comme celles du moi et d'autrui, se nouent plus profond que le jugement, elles survivent à la contestation, tant qu'il ne s'agit pas de la contestation radicale du mépris.

(...) ni pur fait, ni droit absolu, le pouvoir ne contraint pas, ne persuade pas : il circonvient, - et l'on circonvient mieux en faisant appel à la liberté qu'en terrorisant. Machiavel formule avec précision cette alternance de tension et de détente, de répression et de légalité dont les régimes autoritaires ont le secret, mais qui, sous une forme doucereuse, fait l'essence de toute diplomatie. On tient quelquefois mieux ceux à qui l'on fait crédit (…)le prince ne doit pas décider d'après autrui : il serait méprisé. Il ne doit pas davantage gouverner dans l'isolement, car l'isolement n'est pas l'autorité. Mais il y a une conduite possible entre ces deux échecs.(...)

Il y a une manière de s'affirmer qui veut supprimer autrui, - et qui rend esclave de lui. Et il y a avec autrui un rapport de consultation et d'échange, qui n'est pas la mort, mais l'acte même du moi. La lutte originaire menace toujours de reparaître : il faut que ce soit le prince qui pose les questions, et il ne doit, sous peine d'être méprisé, accorder à personne une autorisation permanente de franc-parler. Mais, au moins dans les moments où il délibère, il communique avec les autres, et, à la décision qu'il prendra, les autres peuvent se rallier, parce qu'elle est à quelque égard leur décision. La férocité des origines est débordée quand, entre l'un et l'autre, s'établit le lien de l'oeuvre et du sort communs. Alors l'individu s'accroît des dons mêmes qu'il fait au pouvoir, il y a échange entre eux.(...)

En mettant le conflit et la lutte à l'origine du pouvoir social, il n' a pas voulu dire que l'accord fût impossible, il a voulu souligner la condition d'un pouvoir qui ne soit pas mystifiant, et qui est la participation à une situation commune.

(…)

Qu'est-ce qu'une bonté qui se veut bonté ? Une manière douce d'ignorer autrui et finalement de le mépriser.

 (…)

Le hasard ne prend figure que lorsque nous renonçons à comprendre et à vouloir.

 (…)

Ce qui départage, c'est la sorte d'hommes pour qui l'on demande liberté ou justice, avec qui l'on entend faire société : les esclaves ou les maîtres.(...) il faut avoir des valeurs, mais cela ne suffit pas, il ne faut pas s'en tenir là; tant qu'on n'a pas choisi ceux qui ont mission de les porter dans la lutte historique, on n'a rien fait."

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